Atelier d’Histoire
Je mène une anthropologie historique de la citoyenneté en situation coloniale et postcoloniale. Mes recherches portent en particulier sur les relations ethno-raciales et la politique locale en Nouvelle-Calédonie coloniale, les enjeux contemporains de la décolonisation dans le Pacifique et l’outre-mer français, et la construction des savoirs en contexte colonial et postcolonial. Au croisement de l’ethnographie, de l’histoire et de la sociologie, mes travaux questionnent les conditions de production des sources, la pratique réflexive de l’enquête et les rapports entre savoir et pouvoir.
Fondée sur une longue enquête de terrain (deux années sur place) et aux archives, ma thèse de doctorat, soutenue en 2007 et publiée en 2010, portait sur les transformations des rapports sociaux et politiques à l’échelle de la commune rurale de Koné, au nord-ouest de la Nouvelle-Calédonie, à partir de l’accession des Kanak à la citoyenneté (1946). Au-delà des clivages communautaires et disciplinaires – entre anthropologie du monde kanak et histoire des colons –, cette recherche pluridisciplinaire « au ras du sol » était simultanément inscrite dans une réflexion plus large sur les grands changements juridiques et politiques de la Nouvelle-Calédonie et de la France d’outre-mer après la Seconde guerre mondiale.
Dans la continuité de cette recherche, je travaille désormais sur les transformations des relations raciales à Koné et en Nouvelle-Calédonie, du XIXe siècle à nos jours, en collaboration avec l’historien néo-zélandais Adrian Muckle. Nos projets portent sur les trajectoires sociales des « stockmen » kanak (gardiens de bétail), en tant qu’intermédiaires coloniaux, ainsi que sur les discours publics autour du « métissage » dans l’archipel. Nous enquêtons et écrivons aujourd’hui sur l’histoire d’une famille métissée « kanak-caldoche », dont les membres sont passés de part et d’autre de la frontière raciale et coloniale au fil du temps.
Je travaille par ailleurs sur le processus actuel de décolonisation en Nouvelle-Calédonie et les nouvelles tensions qu’il génère, notamment du point de vue des diverses stratégies kanak de recouvrement de souveraineté (par l’indépendance statutaire, la citoyenneté française, ou les « droits autochtones »). Je m’intéresse en particulier aux enjeux soulevés par la mise en œuvre d’un droit civil coutumier kanak au sein du système judiciaire français, à partir notamment de l’observation ethnographique des séances du tribunal coutumier et d’entretiens avec les « assesseurs coutumiers » kanak. J’analyse également la façon dont la fin de l’accord de Nouméa contribue à la redéfinition des perspectives indépendantistes, « loyalistes » et de l’État français, dans un nouveau contexte d’incertitude politique.
Je m’interroge enfin sur les liens entre recherche, colonisation et décolonisation, en replaçant notamment ma propre expérience au sein d’une histoire longue des rapports entre le savant et le politique dans le contexte calédonien. Pour ce faire, j’ai notamment retracé les trajectoires sociales, politiques et intellectuelles des ethnologues Jean Guiart puis Alban Bensa en Nouvelle-Calédonie. Je suis désormais engagé dans l’écriture d’un ouvrage (à paraître début 2025 aux éditions Anacharsis, Toulouse) sur un vagabond-écrivain anglais ayant sillonné le Pacifique au XIXe siècle, un « beachcomber » surnommé « Cannibal Jack », dont les nombreux écrits, mi-romanesques mi-ethnographiques, sont devenus après-coup des sources majeures pour l’histoire et l’anthropologie de l’Océanie.
IRIS
