Rencontres littéraires 11 novembre 2018

Dans le cadre des commémorations du centenaire de l’Armistice du 11 novembre 1918, et à l’invitation de la municipalité, l’association « SOUS LES COUVERTURES » a organisé un café littéraire autour des auteurs de la Grande Guerre.

Dominique rappelle qu’un des axes de l’association est : « ce que le roman apporte à l’Histoire ». Si la Grande Guerre a développé une production écrite importante  dessins, journaux, correspondances, le roman nous offre des œuvres exceptionnelles. Il y a eu deux périodes éditoriales : pendant le conflit et jusqu’en 1919, avec Henri BARBUSSE (Le Feu), Raymond DORGELES (Les Croix de Bois), puis une deuxième vague est apparue de dix à vingt plus tard. Les préférences de Dominique allant aux œuvres d’acteurs du conflit, il nous présente deux livres écrits par deux anciens combattants : deux adolescents qui s’engagent volontairement dans la guerre avec les illusions de nombre de jeunes d’alors :

  • En France : Gabriel CHEVALLIER : « La peur«  : publié en 1930, et réédité depuis 1951 (G. Chevallier en avait interdit la sortie pendant la deuxième guerre mondiale). C’est un récit largement autobiographique. Sous les traits de Jean Dartemont, il raconte sa terrible expérience et celle des combattants face à la férocité de ce conflit auquel ils doivent participer malgré eux. Il dépeint les souffrances des Poilus, la stupidité des « stratèges de l’arrière ». Le ton est réaliste et désenchanté, qui ne cherche pas à exalter l’héroïsme de quiconque, il se fait le porte-parole des sans-grades.
  • En Allemagne : Erich Maria REMARQUE : « À l’ouest rien de nouveau«  : paru en 1929 et qui décrit le conflit du côté allemand sur le front de l’ouest. Paul Baümer, jeune allemand de 18 ans et ses camarades s’engagent volontairement dans l’armée impériale après avoir été soumis à un bourrage de crâne par leur professeur. Après dix semaines d’entraînement, la rencontre du caporal Himmelstoss et la brutalité de la vie du Front fera découvrir à Paul et ses camarades que leurs idéaux de patriotisme et de nationalisme se résument à des clichés inadaptés au monde réel. Ils se sentent trahis. Paul raconte les abominations du conflit, l’incompréhension de ceux restés à l’arrière, la souffrance physique poussée à l’extrême et la fraternité entre les hommes. Tableau de l’Apocalypse.

Patricia nous présente le livre de Dalton TRUMBO : « Johnny s’en va en guerre«  : écrit en 1938 et publié en 1939. Ce livre mythique était lu dans les meetings pacifistes pendant la guerre du Vietnam : Joe Bonham, très jeune soldat originaire du Colorado, enrôlé en 1917, est atrocement blessé au combat et le toucher est le seul sens qui lui reste. Balancement entre extérieur et intérieur, entre souvenirs lumineux de la vie d’avant, épisodes noirs des tranchées et scènes sombres. Joe fait des tentatives surhumaines pour communiquer avec son entourage. Le style est incisif, imagé, émaillé de réflexions, de dénonciation de toutes les propagandes, de pensées sur la liberté, sur le sacrifice d’une génération.

Génération sacrifiée, en résonance avec la Chanson de Craonne, popularisée par les combattants au moment des mouvements collectifs de désobéissance du printemps 1917. Cette chanson témoigne de la lassitude des soldats et d’un mouvement naissant au sein de l’armée après l’échec et les terribles pertes de l’offensive du Chemin des Dames, menée à l’initiative du général Nivelle.

Présentés par Agnès : William MARCH : « La Compagnie K« . Cet auteur est celui qui a le plus d’expérience du conflit parmi les écrivains américains. Il sera le plus médaillé, mais traumatisé, il ne portera jamais ses médailles en public. Il a mis dix ans à écrire cet ouvrage, paru en 1933 et sans cesse réédité. Il raconte la vie d’une compagnie de marines US, envoyée au Front en décembre 1917, de l’embarquement jusqu’à leur difficile retour. Il donne la parole à chacun des 113 hommes qui la composent et qui, en deux ou trois pages, parle de ce qu’il vit et relate la réalité toute crue. Le but est de parler de toutes les guerres à travers ces voix d’hommes au combat.

Lisa YOUNG : « Je voulais te dire«  : publié en 2011. Tout les sépare, tout les unit. Nadine et Riley sont deux jeunes londoniens, issus de milieux très différents, mais amis d’enfance. Quand la Grande Guerre éclate, ils n’ont que dix- huit ans. Riley passera trois ans dans les tranchées de Flandres et de la Somme. Nadine s’engagera comme infirmière. Quand Riley revient, il n’est plus le même : le Front l’a changé pour toujours et il ne peut imaginer que Nadine puisse encore vouloir de lui et il fera tout pour la repousser. C’est le récit de la fin d’un monde, ses dévastations morales et matérielles, l’incompréhension entre combattants et ceux restés à l’arrière. C’est l’histoire d’un amour passion, contrarié par la subtilité des relations sociales en Angleterre, en pleine métamorphose.

Christine nous présente un album jeunesse : « L’horizon bleu«  : écrit par Dorothée PIATEK et illustré par Yann HARMONIC : L’horizon bleu est l’histoire romancée de Pierre et Élisabeth, qui, fraîchement mariés, viennent s’installer à Haubourdin, dont Pierre est l’instituteur. En 1914, Pierre est mobilisé. Quelques mois plus tard, le village est occupé par les Allemands. Commence alors pour les deux époux quatre années de guerre. À travers leur correspondance, on suit la vie de Pierre au Front et d’Élisabeth au village. La lutte de Pierre pour survivre et ses angoisses. L’émancipation d’Élisabeth, femme au foyer qui se retrouve seule et va prendre petit à petit de l’assurance. Nous découvrons la vie des familles en 1914-1918. Les personnages ne vivent pas la même guerre. Les dessins accompagnent le texte, les couleurs évoluent selon les événements, selon celui qui parle.

Michelle présente de Laura SPINNEY : « la grande tueuse«  : c’est l’épidémie de grippe espagnole, qui en trois vagues, la première au printemps 1918, la seconde en août 1919 et la troisième, moins forte en janvier 1919, a tué entre cinquante et cent millions de personnes. C’est à dire, plus que toutes les victimes des deux conflits mondiaux du vingtième siècle. Une personne sur trois en a été atteinte et tous les pays ont été touchés. La grippe cohabite avec l’homme depuis toujours, mais à l’époque on n’avait pas les moyens médicaux pour l’identifier et la combattre efficacement : les solutions proposées allant souvent à l’encontre des habitudes et des religions. L’auteur raconte la recherche du « patient zéro », du lieu de départ de l’épidémie. C’est le monde après l’épidémie, son influence sur les arts (on pense que le tableau de MUNCH : Le Cri a été influencé par une personne atteinte de mélancolie après avoir été atteinte par la maladie). Elle est à l’origine des premières politiques de santé publique.

Stephan ZWEIG : « Seuls les vivants créent le monde«  : ce sont des chroniques, des articles, des récits publiés entre août 1914 et août 1918, publiés à chaud. D’un patriotisme enflammé, l’auteur prend conscience au cours de ses missions de l’inanité et la barbarie de la guerre. Il décrit les atrocités des combats, le cynisme de ceux qui ont de l’argent et qui vivent comme si la guerre n’existait pas, le rôle de la Suisse qui va accueillir des prisonniers dans des camps sanitaires, la Croix Rouge qui permettra aux combattants de correspondre avec leurs familles… Il va rencontrer Romain ROLLAND et va devenir pacifiste, voire même défaitiste. Pour lui, il n’y a rien de plus important que l’Homme et aucune idée ni aucune conviction ne mérite la mort d’un seul homme. Car comme il le dit dans son « Éloge du défaitisme«  : seuls les vivants créent le monde...

Gilles nous présente de David DIOP : « Frères d’âmes«  : livre souvent sélectionné mais qui n’a reçu aucun prix. C’est l’histoire de Alfa Ndiyae et Mademba Diop, deux jeunes qui ont été enrôlés chez les Tirailleurs Sénégalais. Lors d’une attaque dirigée par le capitaine Armand, Alfa est grièvement blessé. Intransportable, Mademba va rester près de lui jusqu’à sa mort, sans réussir, comme lui demande le blessé, d’abréger ses souffrances. Cette épreuve va le transformer profondément et sa violence au combat ira jusqu’à inquiéter ses camarades de tranchée. Sa raison s’enfuit, détaché de tout, y compris de sa propre vie. Son évacuation à l’arrière est le prélude à une remémoration de son passé, un monde à la fois perdu et ressuscité, où Alfa et lui étaient « Frères d’Âmes ».

Ce roman a finalement obtenu le « Goncourt des lycéens ».

 

Et puis nous avons eu le grand plaisir d’accueillir Jean Pierre HAMMER, germaniste, peintre, musicien et écrivain. Il nous présente : « Carnets de balles et…..de voyages. Dessins et écrits d’un Poilu dans la Grande Guerre«  de Marcel SANTI. Il nous livre le témoignage et l’œuvre artistique d’un rescapé de 1914-1918, âme du Mémorial de Verdun. Leur rencontre date de 1978 et une belle amitié va se nouer. Avant de partir à Nice dans une maison de retraite, Marcel SANTI confie à J.P. HAMMER une sacoche pleine de ses œuvres. Ce sont ces dessins inédits qui compose cet ouvrage. Livre en trois parties : Dessins de Guerre, Écrits des tranchées (paroles de Poilus) et dessins de temps de paix. Grand artiste et rare dessinateur des tranchées de la Guerre de 14, on ne trouve chez lui ni haine, ni esprit de revanche, mais une grande humanité qui va au-delà des frontières. Patriote et pacifiste, il peut encore nous en apprendre beaucoup. En contrepoint des destructions de la guerre, il nous fait découvrir dans ce carnet des paysages apaisants.